Potloc: quand les citoyens choisissent leurs commerces
L’histoire de Rodolphe Barrère
Tout est parti d’un problème auquel Rodolphe Barrère a été confronté en arrivant à Montréal. Le Français d’origine a eu la malchance d’habiter plusieurs mois au-dessus d’un local commercial en rénovation. La scie circulaire à plein volume.
Pour mieux tolérer les travaux, ses colocataires et lui se sont mis à imaginer le bar ou le café branché qui y ouvrirait éventuellement et qui pourrait devenir leur quartier général. La déception fut grande de découvrir qu'un serrurier avait finalement élu domicile dans le local. « Il y en avait déjà un dans le quartier ! »
Rodolphe Barrère s’est alors demandé pourquoi il n’avait pas, comme résident, son mot à dire sur le choix des commerces de proximité. « Je crois que les résidents ont une intelligence collective qui a une grande valeur. Ils connaissent les besoins du quartier, puisqu’ils y vivent tous les jours. »
L’idée était là, encore à l’état brut. Elle constituera le point de départ pour Rodolphe Barrére et Louis Delaoustre, deux jeunes diplômés des HEC qui ont décidé de suivre leur instinct, quitte à réajuster le tir en cours de route.
Aborder un problème réel
Au-delà de l’anecdote, Rodolphe Barrere mettait le doigt sur un problème réel dans le commerce de détail : le faible taux de succès des nouveaux commerces, qui avoisine les 33 % sur un horizon de 5 ans. « Dans la moitié des cas, l’échec est dû à une mauvaise localisation », précise Rodolphe Barrere.
La situation est particulièrement difficile pour les restaurants, les bars, les cafés et les épiceries fines qui tentent leur chance à Montréal, avec comme résultat un nombre tristement élevé de vitrines placardées sur les grandes artères commerciales.
Sentant qu’ils tenaient quelque chose, les fondateurs de Potloc ont lancé un premier projet pilote, où ils ont investi un local vacant dans l’arrondissement Plateau-Mont-Royal en invitant les passants à venir « choisir leur prochain commerce ». « Notre intention était d’amener les citoyens à participer à la construction de leur quartier en se prononçant sur le choix des commerces. » Potloc assumait ainsi son caractère social.
L’idée a trouvé écho : Potloc a reçu une belle couverture médiatique, entre autres dans le cadre de l'événement Je vois Montréal1 et les fondateurs ont reçu le prix Univalor offert par l’Accélérateur Banque Nationale – HEC Montréal, pour souligner le caractère innovant de leur modèle d’affaires2.
Tester le concept
Si Rodolphe Barrère n’avait qu’un conseil à donner à un jeune entrepreneur, ce serait de ne pas trop attendre avant de tester son concept : « Vérifiez s’il y a un potentiel avant d’investir une grosse somme d’argent. »
C’est la voie que son partenaire et lui ont choisie en prenant d’assaut les locaux vacants de Montréal. Ce fut l’occasion d’un bel apprentissage : « Aller sur le terrain et parler aux gens nous a permis d’apprendre un tas de choses. Par exemple, les gens sont plus à l’aise de donner un code postal qu’une adresse. Pour nous, le code postal a la même valeur ! »
Ils ont également pu observer les limites de leur concept : bien que l’étude de marché « hyperlocale » qu’ils remettaient au propriétaire du local vacant contenait une mine d’or d’informations, les fondateurs de Potloc se sont butés à la difficulté de trouver le commerce désiré par la population.
« Disons que les gens veulent une poissonnerie, illustre Rodolphe Barrère. Eh bien, ce n’est pas facile de trouver un entrepreneur qui désire lancer précisément ce commerce, au moment où le local est libre ! »
Devant ce constat, Potloc a effectué un pivot qui lui a été salutaire : s’adresser d’abord aux entreprises.
Trouver son créneau
Depuis l’idée initiale, le modèle d’affaires de Potloc a évolué vers une approche B2B où la mission est maintenant d’aider « les entrepreneurs à trouver l’emplacement idéal pour leur nouveau commerce ».
Pour ce faire, Potloc met à profit l’expertise qu’elle a développée dans le crowdsourcing en demandant aux citoyens de se prononcer sur les commerces qu’ils aimeraient voir s’établir dans leur quartier.
Le groupe travaille à partir d’une plateforme Web et donne aux entreprises une tribune directe pour parler aux consommateurs et prendre le pouls de ce qu’ils cherchent comme commerce dans leur quartier.
« Les entreprises développement de cette façon une connaissance approfondie du marché visé, explique Rodolphe Barrère. Puis, avec une étude de marché basée sur le crowdsourcing, ils peuvent déjà commencer à bâtir leur clientèle. Des gens suivent leur projet, avant même l’ouverture! »
L’approche porte ses fruits : « Alors que le taux de succès d’une entreprise est habituellement de 66 % sur un horizon de 18 mois, dit l’entrepreneur, celui des entreprises qui ont recours à nos services s'élève à 95 %. Ça démontre toute l’importance d’une étude de marché sérieuse avant de se lancer ! »
Prochaine destination : le monde
Pour le moment, Potloc n’a pas encore d’équivalent hors Québec. Pourtant, la crise dans le secteur du commerce de détail est mondiale. Et le problème de roulement dans les locaux commerciaux est largement répandu.
C’est donc la prochaine étape pour les fondateurs de Potloc : « On est en train de chercher du financement pour percer les marchés canadien-anglais et européen », dit Rodolphe Barrère, enthousiaste.
Devant ce grand défi, on leur souhaite tout le succès du monde!