Myelin: réunir l’IA et l’humain dans le partage des connaissances

L'histoire de Marc-Olivier Schüle

Vendredi 5 avril 2019
Myelin fait appel à l’intelligence artificielle pour mettre les plus récentes avancées scientifiques à la portée de tous et pour personnaliser l’information offerte aux personnes autistes et à leurs proches.

On estime que seulement 14 % des recherches scientifiques en santé publique ont une portée concrète auprès des patients et qu’il faut en moyenne 17 ans avant qu’elles soient mises en application. Cet écart considérable entre les nombreuses avancées qui pourraient transformer le milieu de la santé et leurs retombées au quotidien préoccupe l’équipe de Myelin. Cette entreprise en démarrage s’est donné pour mission, dans un premier temps, de rendre accessible le fruit du travail des chercheurs au grand public et aux organismes spécialisés dans la prestation de soins aux personnes autistes.

Ultimement, le projet de Myelin est d’offrir une application pour mettre à la disposition de ses utilisateurs de l’information rigoureuse, issue des dernières recherches dans le domaine de l’autisme et de données extraites et traitées grâce à l’intelligence artificielle. La plateforme conçue par Myelin pourra être personnalisée en fonction de chaque profil et permettra aux patients, familles, intervenants et chercheurs de partager leurs propres expériences afin d’enrichir le contenu de l’application. Myelin espère ainsi faciliter la vie des personnes autistes et de leurs proches en centralisant les outils et les connaissances sur le sujet.

« Nous sommes arrivés à la conclusion que rendre accessibles ces données scientifiques inutilisées permettrait d’exploiter le potentiel énorme qu’elles présentent »

Marc-Olivier Schüle, cofondateur et président de Myelin

L’entreprise souhaiterait ensuite étendre son expertise à la santé mentale, à la santé, puis à l’ensemble de l’information scientifique.

Miser sur l’innovation pour le transfert des connaissances

Marc-Olivier Schüle est doctorant en psychoéducation à l’Université de Montréal. Pour cet intervenant qui a passé plusieurs années en Suisse et à Madagascar, il est essentiel de faciliter l’accès aux plus récentes percées de la recherche. La nécessité de réunir l’ensemble des données disponibles pour changer la pratique était déjà au cœur de la démarche d’Unipsed, l’organisme sans but lucratif qu’il a mis sur pied en 2011 et dont le site Internet d’information en psychoéducation a valu à son créateur le prix AVENIR Société, Communication et Éducation au Gala Forces AVENIR en 2015. Marc-Olivier Schüle a également reçu un prix Défi Entrepreneuriat Diversité du Centre d’entrepreneuriat Poly-UdeM après avoir fondé, avec Geneviève Chénard, la maison d’édition Les Éditions Polyvalence, qui publiait du matériel éducatif en intervention sociale produit à partir de données scientifiques rigoureuses. 

C’est à la maîtrise que Marc-Olivier Schüle a fait la rencontre de Marise Bonenfant, étudiante en sciences de l’information qui deviendra directrice des connaissances de Myelin. « Son expertise était extrêmement pertinente pour structurer notre travail et soutenir nos ambitions », affirme-t-il. Souhaitant créer ensemble une banque de données de connaissances en santé, ils ont rapidement constaté le potentiel de l’intelligence artificielle pour atteindre leur objectif : grâce à des algorithmes d’apprentissage qui permet l’extraction et la classification des données, ces dernières sont conservées sous forme sémantique, qu’importe la langue d’origine de la source. Marc-Olivier Schüle et Marise Bonenfant ont uni leurs forces à celles de François Menet, étudiant à la maîtrise en génie logiciel, pour se lancer dans l’aventure entrepreneuriale en créant Myelin. Le nom de celle-ci fait référence au terme qui désigne la substance présente dans le cerveau grâce à laquelle l’information circule plus rapidement.

Une expérience personnalisée

Plusieurs raisons ont motivé la décision de se concentrer d’abord sur l’autisme. D’une part, la personnalisation du service étant un élément clé de la solution proposée par Myelin, il était important de s’attaquer à une condition présentant de nombreuses variations afin de tester la capacité d’adaptation de l’application. « Le trouble du spectre autistique (TSA) est particulièrement intéressant parce que les symptômes varient énormément d’une personne à l’autre », remarque Marc-Olivier Schüle. D’autre part, la mise au point du produit repose sur une collaboration constante avec une multitude de partenaires. « Les personnes actives dans le domaine de l’autisme forment une communauté très engagée. Elles participent à chaque étape du processus et, sans elles, Myelin ne serait absolument pas ce qu’elle est aujourd’hui. » 

Même sans formation dans le milieu des affaires, le trio a instinctivement suivi les étapes de la méthode de gestion allégée, fondée sur l’amélioration continue : ils se sont fixé des objectifs modestes pour mieux apprendre et faire croître Myelin. « Au tout début de la création d’une entreprise, soit tu te spécialises et tu deviens bon dans un domaine, soit tu deviens vite mauvais dans tout, déclare Marc-Olivier Schüle. Et particulièrement en santé, il faut faire ses preuves, s’assurer d’avoir une expertise spécifique avant d’envisager plus grand. » Après avoir officiellement lancé l’entreprise en 2017, les cofondateurs ont récolté plus de 10 000 dollars grâce à une campagne de sociofinancement pour la création d’un site Internet. La première mouture de celui-ci a attiré plus de 8000 visiteurs par mois — un chiffre non négligeable pour un site consacré à l’autisme et accessible uniquement en français — et sans investissement publicitaire. « Nous nous disions que nous aurions une meilleure idée de l’intérêt du grand public pour notre approche. Quand nous avons réalisé qu’en nous engageant dans cette voie nous pouvions répondre à un vrai besoin, nous nous sommes alors posé la question : quelle solution pouvons-nous offrir? »

L’équipe de Myelin a bénéficié de nombreux passages dans divers accélérateurs de croissance, qui lui ont permis de mieux s’outiller sur les plans domaine administratif et financier. « Nous avons eu la chance de profiter de nombreux programmes de soutien et d’être entourés de conseillers qui nous ont beaucoup apporté », reconnaît Marc-Olivier Schüle. En 2018, Myelin a réussi à créer un prototype d’application, le résultat de plus de six mois d’entrevues et d’ateliers avec des intervenants pour mieux cibler les enjeux du milieu. C’est ce qui a permis à l’équipe de peaufiner l’idée originale : si l’accès aux données scientifiques de pointe est important, les expériences partagées par les membres de la communauté sont tout aussi essentielles et doivent être intégrées au produit. « Pour nous, il s’agissait d’une véritable révolution. En sachant que telle ou telle intervention fonctionne mieux dans certains contextes ou auprès de certains patients, nous pouvons offrir des outils et services beaucoup plus précis et adaptés. »

Un modèle d’affaires adaptatif pour servir d’exemple

Il a fallu du temps pour trouver le juste milieu dans l’élaboration d’un modèle d’affaires, précise Marc-Olivier Schüle. « Nous avons passé une bonne partie de 2018 à réfléchir à ce sujet. Le domaine de la santé mentale est complexe. Il y a beaucoup d’enjeux économiques et éthiques quand on développe un service pour des utilisateurs qui ont de vrais besoins en santé, mais qui ne peuvent pas nécessairement payer pour en bénéficier. Nous souhaitions que ces personnes puissent participer à l’élaboration de notre plateforme, parce que c’est grâce aux données fournies par les utilisateurs que nous pouvons améliorer la qualité de notre produit. » 

L’équipe a donc trouvé une solution ingénieuse : l’application de Myelin sera accessible gratuitement à tous d’ici la fin de l’année 2019, mais une version optimisée et payante sera offerte à des organisations, qui pourront ainsi participer à son financement. En 2018, la prévente du produit effectuée pour évaluer le nombre d’acheteurs potentiels a dépassé les attentes de l’équipe. « Nous visions autour de 150 personnes et, finalement, ce sont plus de 400 personnes qui ont démontré un intérêt pour notre produit. » Depuis janvier 2019 (et jusqu’à l’été), Myelin est en phase de « coconstruction », c’est-à-dire que l’entreprise travaille étroitement avec une dizaine d’organismes œuvrant dans le domaine de l’autisme pour tester l’application. Chaque mois, des fonctionnalités supplémentaires sont ajoutées, ce qui permet à Myelin d’adapter la plateforme en fonction des commentaires reçus.

« Notre approche est transversale et écosystémique, conclut Marc-Olivier Schüle. Nous souhaitons atteindre le maximum de personnes et leur permettre de participer à la création d’un modèle qui aura des retombées positives pour les patients, les familles, les intervenants et les chercheurs, et qui nous permettra d’appliquer notre solution à plusieurs autres domaines liés à la santé mentale. Notre rêve, c’est que Myelin devienne un outil de référence en matière de transfert de connaissances. »
 

Myelin en chiffres

  • 5 : le nombre d’employés à temps plein de Myelin
  • 18 : le nombre approximatif d’heures de lecture nécessaires, par jour, pour se tenir au courant des dernières avancées scientifiques
  • 266 : le pourcentage d’atteinte de l’objectif fixé par Myelin durant la phase de prévente de l’application
  • 3000 : le nombre d’articles scientifiques publiés chaque jour; ce chiffre devrait doubler tous les 73 jours d’ici 2020
  • 65 000 : le nombre estimé de Canadiens, dont 18 000 sont des Québécois, qui vivent actuellement avec un diagnostic de TSA

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