L’Indice entrepreneurial québécois 2019: l’intention démocratisée
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L’étude de la Fondation de l’entrepreneurship, présentée par la Caisse de dépôt et placement du Québec et Anges Québec en partenariat avec Banque Nationale | HEC Montréal et Léger
témoigne du dynamisme entrepreneurial des Québécois en 2019, mais elle fait ressortir de manière plus marquée l’augmentation des taux d’intention d’entreprendre des personnes âgées de 35 à 49 ans (31,8 % en 2019 contre 26,2 % en 2018) et de 50 à 64 ans (16,1 % en 2019 contre 11,5 %). On a aussi noté une hausse des démarches entreprises par ces deux groupes (le taux d’augmentation des démarches est passé de 5,5 à 8 % chez les 50 à 64 ans en 2019).
Entreprendre, un choix à tout âge
Depuis quelques années, les jeunes représentaient, selon l’Indice, un groupe très dynamique dans toute la chaîne entrepreneuriale. Or, des fluctuations observées en 2019 révèlent une hausse généralisée de l’intérêt pour l’entrepreneuriat dans tous les groupes d’âge. « Sous l’apparence de stabilité des grands taux, nous constatons que la perception de l’entrepreneuriat évolue, indique Rina Marchand. Cette option est aujourd’hui plus qu’acceptée, elle est devenue légitime et désirable. On le disait depuis longtemps déjà, mais visiblement, ça a percolé. »
À la suite du pic des intentions entrepreneuriales en 2016-2017 (21 %), le taux d’intention, tous groupes confondus (18-64 ans), a baissé pour s’établir à 19,5 % en 2018. Il a toutefois augmenté légèrement à nouveau et se situe à 20,4 % en 2019. Un taux « énorme » d’après Mihai Ibanescu, qui souligne que, même si une bonne partie de ces intéressés ne se lanceront pas activement dans les affaires, la masse est suffisante pour insuffler un dynamisme économique. Il ajoute que la diversité des groupes d’âge est intéressante à long terme.
« On ne s’attendait pas à ce que les 50 ans et plus, par exemple, considèrent l’entrepreneuriat comme un choix de carrière très désirable. Ce sont des gens qui ont été formés dans une autre culture. C’est donc un changement, surprenant dans un sens, mais intéressant! »
Mihai Ibanescu
C’est exactement ce qu’a fait Sylvie Percy, présidente de l’entreprise de solutions électriques Besco. Après avoir travaillé toute sa vie dans le domaine de l’électricité, elle a senti, à l’aube de la cinquantaine, que l’entrepreneuriat lui permettrait de faire ce qu’elle aimait, mais autrement, à sa manière. C’est ainsi qu’en 2015, elle a fait l’acquisition de Fournitures électriques Besco ltée, préférant acquérir une entreprise plutôt qu’en démarrer une afin de profiter d’une structure de base, d’un carnet de clients existant et de ressources déjà en place. « C’est uniquement à ce moment que j’ai pensé à mon âge, affirme l’entrepreneure. L’acquisition me permettait de rentrer rapidement dans l’exécution, ce que j’ai fait, puisque j’ai redressé l’entreprise durant la première année en changeant presque tout! » La spécialiste des solutions électriques s’est donc lancée dans l’aventure en engageant des ingénieurs électriques et des techniciens afin de pouvoir finalement offrir le service professionnel dont elle rêvait.
Génération X et 50-64 ans
En 2019, la génération X occupait plus que jamais une place importante dans l’écosystème entrepreneurial du Québec. Si les taux d’intention et des démarches des 35-49 ans sont pour la première fois supérieurs à ceux des 18-34 ans (31,8 % contre 30,8 %), ce groupe d’âge est également celui qui est possiblement le plus à même de créer des entreprises durables. Tel que le mentionne le rapport, une récente étude du Massachusetts Institute of Technology a établi à 42 ans l’âge moyen des entrepreneurs américains qui ont créé de jeunes pousses à fort potentiel de croissance.
Cette capacité de fonder des entreprises robustes peut s’expliquer en partie, selon l’étude, par la plus grande expérience de travail des personnes de la génération X ainsi que par leur accès généralement plus aisé à des ressources tant humaines que financières. Ces facteurs, tout comme le capital humain et social accumulé, favorisent également l’émergence d’entreprises menées par des personnes de 50 à 64 ans. L’étude 2019 emploie même le terme de « nouvelle vague » pour qualifier ces entrepreneurs « tardifs ».
Dans le cas de Besco, Sylvie Percy s’est lancée par passion, certes, mais aussi grâce à un très bon réseau d’amis et de connaissances qu’elle s’est constitué au fil des années en travaillant dans le domaine électrique. La croissance a été rapide et afin d’y faire face, la présidente s’est entourée de membres de sa famille (sept d’entre eux sont au service de Besco). Elle a ensuite lancé une seconde entreprise en 2017, Transport Alain, afin d’offrir des services de transport, notamment aux clients de Besco, qui compte aujourd’hui une quinzaine d’employés et qui mène des activités aux quatre coins du Québec et en Afrique. Sylvie Percy s’est également embarquée dans une troisième aventure entrepreneuriale, qui l’enthousiasme particulièrement, en acceptant de présider le projet Triverre, lequel vise l’établissement d’une usine de tri du verre.
Chose certaine, la gestionnaire ne pense pas encore à la retraite puisqu’elle aime trop son quotidien et qu’elle croit en son pouvoir de changer les choses. « Certains n’aiment pas de vieillir, mais il faut apprécier l’expérience qui vient avec l’âge. »
Et les jeunes?
Avec un taux d’intention de 30,8 %, les jeunes forment encore le groupe le plus dynamique de la population, même si cette tranche d’âge compte également un certain nombre d’indécis (22,7 % comparativement à 14,9 % en 2018).
Comme le souligne l’étude, les jeunes entrepreneurs qui se sont lancés avant l’âge de 35 ans sont plus susceptibles de créer des entreprises de plus grande envergure (qui comptent davantage d’employés). Ce sont néanmoins les entreprises fondées par des entrepreneurs de plus de 35 ans qui ont de meilleures chances de s’avérer pérennes, c’est-à-dire de dépasser le fameux cap fatidique des cinq ans d’existence.
En effet, selon l’Indice 2019, le manque de ressources financières serait le principal obstacle du passage de l’intention aux démarches ou au lancement d’une entreprise. Cet obstacle semble encore plus important grand chez les jeunes en 2019 comparativement à 2018.
Que retenir de l’Indice 2019?
« Le grand message qu’on veut laisser, c’est que la culture entrepreneuriale s’est encore développée. L’entrepreneuriat représente un choix de carrière susceptible d’intéresser tout le monde, même si tous ne se lancent pas avec les mêmes objectifs ni pour les mêmes raisons. »
— Rina Marchand
L’étude porte également sur les différences entre les personnes qui ont choisi l’entrepreneuriat avant et après 35 ans. Rina Marchand et Mihai Ibanescu précisent qu’il est intéressant de constater que les entreprises d’entrepreneurs « jeunes » sont plus susceptibles d’être tournées vers la croissance, alors que celles d’entrepreneurs plus « âgés » sont, pour leur part, souvent plus petites et plus pérennes. Une preuve de plus, selon les experts, qu’il y a bel et bien de la place pour tous. « Je ne peux peut-être pas me dire jeune, mais je me dis jeune entrepreneure », lance à la blague Sylvie Percy, qui vit à travers l’entrepreneuriat une seconde jeunesse.
Dans les chiffres de cette année, Rina Marchant lit l’importance de soutenir adéquatement tous les groupes d’âge dans leurs recherches de financement et d’accompagnement. Car si plusieurs initiatives ont pour but d’accompagner et de soutenir les jeunes, les ressources se font parfois plus rares pour d’autres groupes. L’intérêt étant manifeste, il faut soutenir les entrepreneurs en devenir de tout âge.
« Il ne fait aucun doute que l’entrepreneuriat se démocratise, conclut Rina Marchand. C’est positif, car ça prend un bon volume d’entrepreneurs pour assurer la vitalité de l’économie. La bonne nouvelle, c’est qu’on ne compte plus que sur les jeunes pour le faire. »
POUR EN SAVOIR PLUS :
Consultez le rapport complet sur le site de l’Indice entrepreneurial québécois.
L’Indice 2019 de la Fondation de l’entrepreneurship est présenté par la Caisse de dépôt et placement du Québec et Anges Québec en partenariat avec Banque Nationale | HEC Montréal et Léger.