Dispatch Coffee: réduire les inégalités une tasse à la fois
L’histoire de Chrissy Durcak
Chrissy Durcak a commencé à servir du café au moment où arrivait à Montréal ce qu’on appelle la troisième vague de café, un mouvement qui a d’abord pris naissance sur la côte Ouest américaine et en Australie. « C’est une approche qui considère le café comme un produit gastronomique plutôt que comme une commodité, explique-t-elle. On peut la comparer à celle du vin naturel ou de la bière artisanale. »
Elle ajoute que s’il est traité et cultivé de la bonne façon, le café présente plus de notes aromatiques que le vin. Comme pour ce dernier, on parle de café de terroir, dont le goût diffère selon la nature du sol dans lequel il est cultivé.
Les clients qu’elle servait dans un café artisanal à l’époque ignoraient les composants d’un produit de qualité et s’expliquaient mal pourquoi il coûtait plus cher. « Nous n’avions pas le temps de faire valoir notre expertise aux clients, déplore-t-elle. J’ai voulu leur offrir une meilleure expérience. »
Cette envie de transmettre son savoir lui vient en partie de ses parents qui étaient tous deux enseignants. « Mon père, un immigrant de la République tchèque qui a toujours eu un esprit entrepreneurial, a démarré trois ou quatre projets parallèlement à son travail, mentionne Chrissy Durcak. Son côté ingénieux a certainement influencé mon parcours entrepreneurial. »
La transparence comme vision d’affaires
En 2012, elle a fondé Dispatch, un service de livraison de café glacé, qui s’est par la suite transformé en premier « camion de café » de Montréal. « Au départ, je m’approvisionnais en grains auprès d’un autre torréfacteur, mais je n’avais aucune prise sur le montant qu’il versait au producteur, alors j’ai voulu raccourcir cette chaîne d’approvisionnement », explique-t-elle.
Non seulement les producteurs sont soumis aux catastrophes climatiques qui peuvent anéantir leurs récoltes entières certaines années, ces derniers sont historiquement ceux qui touchent la plus petite part du profit réalisé par la vente d’une tasse de café au consommateur. « C’était important pour moi de trouver un modèle d’intégration verticale afin que mon entreprise puisse offrir un prix équitable à la fois aux clients et aux fermiers », affirme l’entrepreneure.
Pendant les deux premières années, Chrissy Durcak a réussi à exercer ses activités seulement grâce à l’argent provenant des ventes et à des investissements familiaux. Puis, en 2014, elle a exposé sa vision à un client qui la visitait à son camion : importer et torréfier ses propres grains de café et proposer une expérience instructive à sa clientèle dans un atelier. « C’était un ange investisseur, qui a décidé de m’appuyer financièrement dans ma démarche, raconte-t-elle. Grâce à ces fonds, j’ai pu ouvrir mon premier atelier de torréfaction sur la rue Saint-Zotique, dans le secteur Mile-Ex de Montréal. » Pratiquement en même temps, elle a aussi ouvert un kiosque sur le campus de l’Université McGill. « Cela a marqué le début de la croissance de Dispatch. »
Elle a commencé à créer ses cafés et à offrir une formation théorique de 10 heures à ses baristas (spécialistes de la préparation du café). À l’instar des vins et de leurs cépages, les noms des cafés vendus se composent du nom du producteur des grains ou de leur lieu d’origine. Dispatch propose six cafés de six origines et son menu change selon les saisons, puisque le café est un produit saisonnier. « Environ 80 % des producteurs reviennent l’année suivante à la même saison », souligne Chrissy Durcak.
Suivre la tendance
En 2017, après un tour de financement, Dispatch a ouvert un troisième café dans Le Plateau-Mont-Royal, sur la rue Saint-Laurent. L’année suivante, Chrissy Durcak s’est mise à réfléchir à une stratégie de croissance à plus long terme, qui suivrait la tendance de l’omnicanal et de l’achat en ligne dans d’autres catégories de produits de détail. « Dès 2019, nous avons bâti une équipe de marketing et de contenu pour que la marque soit concurrentielle en ligne. » Elle a aussi mis en place l’infrastructure de commerce en ligne pour rendre accessible le café de qualité aux consommateurs. Ce créneau n’avait pas encore été exploré par les plus gros joueurs.
Même si l’entreprise Dispatch était bien positionnée quand la pandémie a frappé, elle a quand même dû se rajuster pour y faire face. « Nous avons dû fermer pendant deux mois nos trois succursales, où nous réalisions alors 80 % de nos ventes », mentionne Chrissy Durcak.
Heureusement, elle venait tout juste de terminer un tour de financement qui lui avait permis de récolter 1,26 million de dollars afin de financer la mise en œuvre de sa nouvelle initiative de vente en ligne de café en grains directement aux consommateurs. « Nous avons investi davantage en mars et en avril pour stimuler la consommation en ligne, et ça nous a permis d’enregistrer une croissance de 300 %. » Aujourd’hui, 80 % des ventes sont générées par le cybercommerce, ce qui représente un virage à 180 degrés. « C’était l’objectif que nous nous étions fixé pour 2021 », remarque Chrissy Durcak.
Exporter la vision
Pour le moment, 70 % des ventes en ligne proviennent du Québec, 28 % du reste du Canada et 2 % des États-Unis. « En 2021, nous prévoyons d’accroître nos ventes dans le marché ontarien d’abord pour saturer le marché dans ces deux provinces, affirme l’entrepreneure. Nous souhaitons ouvrir des cafés à Toronto pour offrir la même expérience omnicanal qu’à Montréal, de même que pour intensifier nos efforts marketing dans cette province. »
Attaquer le marché des États-Unis pourrait sembler logique, étant donné que la population de ce pays est plus nombreuse que celle du Canada, mais cela implique des coûts logistiques plus élevés qui entrent en contradiction avec les visées de Dispatch : faire en sorte que le client ne paie pas plus cher pour du café de qualité et d’origine traçable, produit de façon responsable et livré à son domicile.
« Ensuite, notre stratégie consistera à ouvrir des cafés dans des villes clés, de même qu’à prévoir la distribution et la torréfaction de café dans ces villes pour diminuer les coûts de livraison », explique-t-elle.
Selon Chrissy Durcak, les microtorréfacteurs se multiplieront dans les prochaines années et le café de troisième vague deviendra la norme. « Nous voulons percer le marché du café en grains acheté en ligne, déclare-t-elle. C’est pour cette raison que nous avons investi dans le cybercommerce et l’éducation de notre clientèle, et que nous vendons, entre autres, de l’équipement et des accessoires pour préparer le café chez soi », confie-t-elle.
L’entreprise en chiffres
3 : le nombre de succursales de Dispatch
15 : le nombre d’employés de l’entreprise
70 : le pourcentage des ventes en ligne réalisées au Québec
1,26 : la somme en millions de dollars récoltée lors du dernier tour de financement
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Photo : Bruno Florin